Les promesses de l’ombre - ter

Publié le par Erwan Desbois

J’ai déjà parlé de ce film de David Cronenberg que j’admire ici et ici. Et me voilà qui y revient une troisième fois, cette fois-ci avec en tête la question de savoir « Quelle est l’histoire du film ? ». La réponse évidente est de désigner le récit impliquant la sage-femme, et le bébé orphelin qu’elle souhaite aider après que sa mère soit morte en lui donnant la vie ; d’autant plus que la sage-femme en question, Anna, a les traits de Naomi Watts, ce qui a pour effet de l’établir immédiatement comme une héroïne de premier plan. Mais cette route se voit redoublée par une, puis deux et trois autres d’égale importance et qui viennent interférer avec elle.

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Il y a l’histoire de la jeune mère du bébé, Tatiana, 14 ans et proie du trafic sexuel, dont les extraits du journal intime sont lus en voix-off pour envelopper le film et l’empêcher de s’échapper, même partiellement, de cet entourage fait de drames et d’atrocités. Il y a l’histoire du fonctionnement interne du clan mafieux de russes expatriés à Londres, avec lequel Anna se retrouve à frayer pour les besoins de sa mission. Cette histoire est particulièrement dangereuse, car elle menace d’engloutir celle de Anna par tous les savoirs supplémentaires qu’elle possède sur les personnages, les réseaux, les secrets. Symboliquement, elle est d’ailleurs la première à s’afficher à l’écran ; la première scène lui appartient, bien qu’elle n’ait qu’un lien très indirect avec le récit de Anna.

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A l’autre extrémité du film, la dernière scène est saisie par la quatrième histoire, celle qui met le plus longtemps à se révéler – car elle progresse à l’insu de tous les protagonistes, uniquement dans l’esprit de son moteur Nikolai (Viggo Mortensen) jusqu’à ce que celui-ci dévoile son double jeu. Cette révélation est faite au spectateur en même temps qu’aux personnages ; Cronenberg ne triche pas avec nous. Il met en scène un film choral, et un des plus puissants qui soient car il est concis, franc, et ne s'épuise pas à surexposer les multiples ramifications de son scénario. Il les laisse agir, « tout simplement ». Ainsi, le cinéaste a brillamment atteint l’objectif qu’il dit se fixer dans le court (mais pas mauvais) making-of des Promesses de l’ombre : « faire un film complexe et riche ».

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