Outrage, de Takeshi Kitano (Japon, 2010)

Publié le par Erwan Desbois

outrage-1Où ?

Au ciné-cité les Halles

Quand ?

Vendredi soir, à 22h30

Avec qui ?

Seul

Et alors ?

 

La présence d’Outrage dans la sélection officielle du dernier Festival de Cannes devait certainement beaucoup au nom prestigieux de son réalisateur, et à la certaine pénurie de films à laquelle cette édition a dû faire face. Car Outrage est une série B pur jus, plus futile que sérieuse et pleinement assumée comme tel par Kitano. Des œuvres comme cela, Cannes préfère les orienter vers le hors compétition, comme ce fut le cas pour le Reservoir dogs de Tarantino dont Outrage est un proche parent. Les deux films observent l’escalade de trahisons et de règlements de comptes qui se déchaîne au sein d’un groupe mafieux, et surtout l’observent avec un même détachement glacial et terrifiant. Il n’y a aucune morale, aucune leçon à tirer de cette succession d’exécutions accomplies de sang froid, voire pour certaines avec un plaisir pervers. Ce n’est pas la finalité des personnages ou du récit, mais leur moteur impossible à arrêter une fois lancé.

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Par rapport aux dernières œuvres en date de Kitano qui toutes, de Takeshis à Achille et la tortue s’égaraient à force de chercher à tout prix un sens, cette simplicité est un bienfait. Dégagé de l’obligation de viser haut, le cinéaste passe son scénario sur pilote automatique et concentre ses efforts sur la mise en scène. Il se rappelle ainsi à notre bon souvenir comme un brillant faiseur de formes, par le biais d’un nombre conséquent de scènes tout à fait impressionnantes. La démesure de la réunion de chefs yakuza qui ouvre Outrage, le choix du hors champ au moment de la destruction d’une salle de restaurant, les fondus enchaînés savamment employés pour amener le récit aux moments réellement intéressants, la méticulosité dans l’enchaînement des plans au cours de la mise à mort la plus abominable (une strangulation qui rappelle de loin celle de Thriller) comptent parmi ces démonstrations de cinéma. Et d’une manière générale, c’est l’ensemble de la conduite de l’intrigue par des moyens visuels – on compte peu de dialogues, comme toujours chez Kitano – qui est de tout premier ordre.

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Par contre, si l’on remonte plus loin dans la filmographie du réalisateur, le caractère superficiel de cet Outrage le place un cran en-dessous de ses pépites que furent Sonatine, A scene at the sea, Hana-Bi. Kitano ne tire pas profit de l'extrême distanciation qu'il instaure d'entrée et qu'il maintient de main de maître de part en part. Aucune émotion, même transitoire, n'éclot au cours du film ; de même, aucun personnage n'est suffisamment porté en estime pour servir de guide principal au spectateur, de manière positive ou négative. Outrage est une mosaïque d'incidents soudains et non le récit, s'inscrivant dans la durée, d'un destin individuel ou de groupe. Les rapports de force et d'importance se recomposent en permanence, d'une scène à l'autre. En cela, le film de Kitano se distingue de l'immense majorité des productions actuelles et mérite d'être salué en conséquence. Mais faute d'être exploité plus profondément, ce vertige reste stérile, simplement efficace. Venant de Kitano, on attend forcément un peu plus que de l'efficacité, d'autant plus qu'il avait ici en main plusieurs cartes pour pousser son avantage. Entre autres le rôle qu'il interprète lui-même, un vieux briscard revenu de tout, qui a remplacé le sentiment de crainte par un recul lui permettant de commenter en direct les événements et d'anticiper leurs répercussions.

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