De l'art de faire des films courts : Ghost in the shell 2 (Japon, 2004) ; Les chasses du conte Zaroff (USA, 1932) ; Rome, ville ouverte (Italie, 1944)

Publié le par Erwan Desbois

Où ?
En DVD (que des éditions zone 2 basiques) sur ordinateur portable
 

Quand ?
 
Pendant mes vacances en Espagne
 

Avec qui ?
 
Respectivement avec mon frère, seul et avec ma chérie
 

Et alors ?
 

L’idée du fil directeur de ce post récapitulatif de mes films de vacances (qui n’ont rien en commun sur quelque autre aspect que ce soit – genre, nationalité, époque) vient du commentaire audio de Ghost in the shell 2 : Innocence, où elle est évoquée à plusieurs reprises par le réalisateur Mamoru Oshii : le film aurait tout à fait pu durer 2h, mais le choix a été fait de le maintenir à 90min. cette différence de durée change bien évidemment tout l’agencement du métrage. Avec des ellipses à la place des scènes de remplissage (qu’il s’agisse de dialogues ou d’action), on privilégie en effet l'efficacité de l’ambiance générale par rapport au récit concret. C’est particulièrement évident dans le cas d’Innocence, où ce dernier devient un fil ténu sur lequel viennent se fixer des images et sons sublimes qui contribuent à créer un univers très impressionnant (dans les 2 sens du terme) et très troublant sur les relations homme-machine.

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D'autres idées lancées ça et là dans le commentaire vont dans le même sens et prolongent la réflexion. Citons ainsi les influences stylistiques dénichées aux 4 coins du monde, et dont le collage forme une vue exacerbée de notre monde globalisé, splendide pour les sens mais désespérément creux pour l’âme. Ou encore l’érotisme trouble des poupées et des cyborgs, composante discrète mais essentielle du film puisqu’elle renforce habilement le décalage avec « l'absence » des humains, qui sont plus souvent des cadavres ou des hologrammes que physiquement présents. Ce commentaire rehausse donc un film déjà exceptionnel à tous points de vue, en permettant de mieux saisir les subtilités du message que cherche à faire passer Oshii.

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Le 2è « film court » a 70 ans de plus qu’Innocence. Les chasses du conte Zaroff (Irving Pichel et Ernest B. Schoedsack) date en effet de 1932, ce qui en fait la matrice du genre slasher – laquelle matrice pouvant de plus se targuer d'avoir été rarement égalée depuis. Cela pour 3 raisons, la 1ère étant son efficacité foudroyante : le film dure à peine plus d'une heure, répartie en 1/4 d'heure d'exposition, 1/4 d'heure de présentation du méchant et du piège… et le reste en poursuite mortelle et quasi-muette, un jeu du chat et de la souris intelligent et pervers. En regardant le résultat, il est évident que c'est le dosage parfait.

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Les 2 autres raisons, au fait : le personnage du méchant, conte mégalomane mettant ses talents de chasseur au service de l’immoralité la plus totale (chasser en toute conscience des êtres humains) et qui donne à Leslie Banks l'opportunité d'une interprétation génialement démente, pour sa première apparition au cinéma. Et puis un coup de génie, celui d'avoir tourné le film en même temps que King Kong, avec les mêmes équipes et dans le même contexte : le mélange d'exotisme démesuré et de claustrophobie des décors de ce dernier se révèle être le cadre parfait pour un slasher oppressant et échevelé, une sorte de variation – en définitive très proche thématiquement – sur ce qui pourrait se passer dans une autre partie de l’île du singe géant.

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Le dernier membre du trio magique est Rome, ville ouverte, de Roberto Rossellini, avec 97min au compteur. 97min d'une grande fresque sur la résistance à l'envahisseur nazi (l’action se déroule en 1944, soit quasiment en temps réel par rapport à la "vraie" guerre), avec pas moins d'une dizaine de personnages d'égale importance et un nombre tout aussi conséquent de rebondissements. Là encore, le récit resserré permet de faire ressortir une ambiance, celle d'urgence et de fuite en avant ressentie par les résistants dont l’existence pouvait s'interrompre à tout moment.

Le génie de Rossellini est que ce danger permanent n’occulte à aucun moment la vie quotidienne derrière la lutte. On tremble et on pleure dans Rome, ville ouverte, mais on rit et on s’exclame aussi. Le mélange des genres et des sentiments atteint son paroxysme dans la séquence époustouflante de la rafle menée par les nazis, qui dure une bonne vingtaine de minutes au cours desquelles s'enchaînent :

 

- un suspense montant progressivement autour du sauvetage d'un gamin résistant (avec entre la réutilisation inspirée d'un mouvement de caméra circulaire dans une cage d'escalier, mouvement introduit à l’identique 15 minutes plus tôt mais avec un tout autre but)
- le sauvetage en question, sur une note résolument comique
- l'exécution inattendue d'un autre perso principal, captée avec un réalisme stupéfiant (un plan-séquence à 2 caméras dans la rue, réalisé en une seule prise)
- enfin, sans qu'on ait le tps de s'appesantir sur la scène précédente, l'embuscade tendue par des résistants au convoi de prisonniers mené par les nazis.

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Après ce pic, le film devient – très très – légèrement plus démonstratif dans son message de liberté et d'héroïsme simple, des valeurs défendues dans Rome, ville ouverte par des gens comme vous et moi. Mais il reste merveilleux de beauté, de sincérité, de rage contenue aussi (les scènes de torture finales sont remplies d’une dignité outrée que l’on n’oublie pas) ; autant de choses qui en font un des plus beaux films sur la résistance, dans un cadre bien plus général que celui de la Seconde Guerre Mondiale.

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Publié dans classiques d'ailleurs

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