Walk hard, de Jake Kasdan (USA, 2007)
Où ?
A la maison, en DVD zone 2 (le film n'est jamais sorti en salle en France)
Quand ?
Le week-end dernier
Avec qui ?
Ma femme
Et alors ?
Je m'extasiais il y a quelque temps (ici) sur les talents de chanteur de l'acteur John C. Reilly dans le mythique commentaire audio de Step brothers. Ce que je ne savais pas à l'époque, c'est que Reilly avait déjà fait profiter la cérémonie des Oscars de ces talents (là), et en avait tiré profit pour assurer le premier rôle du film Walk hard qui nous intéresse ici. Une combinaison de circonstances contraires a barré à ce long-métrage l'accès aux salles françaises de cinéma : l'appartenance aux comédies siglées « Judd Apatow » (producteur et coscénariste dans le cas présent), lesquelles bénéficient au mieux d'une distribution réduite à la portion congrue ; l'absence de noms comiques reconnus au générique ; et pour couronner le tout, un échec certain au box-office américain avec moins de vingt millions de dollars de recettes.
Le genre du film n'a pas dû aider non plus. Qui dit « parodie de biopic musical rock des années 1950 à 1970 » dit « biopic musical rock des années 1950 à 1970 », un genre pour lequel le public français ne s'est jamais montré particulièrement demandeur. Dewey Cox, le héros interprété par John C. Reilly, est au gré des époques traversées et des inspirations des scénaristes un dérivé absurde et extravagant du Johnny Cash de Walk the line (dont Walk hard détourne le titre en une expression qui ne veut plus rien dire, on l'aura compris) ; du Ray Charles de Ray ; mais aussi de Chuck Berry, Bob Dylan (en noir et blanc filmé à l'épaule, of course), les groupes psychédéliques shootés au LSD (avec passage en dessin animé à la Yellow submarine), etc. L'entreprise de démolition comique qu'est Walk hard repose sur une grande connaissance du sujet, qui rend savoureux tous les détournements des clichés qui jonchent les biopic - clichés dont les auteurs du film dressent une liste fournie et très pertinente dans le commentaire audio -, de même que les gags à base de références musicales historiques.
Bien qu'atteignant le comble de l'irrévérence et du nonsense, les incarnations des mythes que sont Elvis Presley (joué par Jack White) et, plus encore, des Beatles (Jack Black, Paul Rudd, Justin Long et Jason Schwartzman - à vous de les remettre dans le bon ordre) tirent elles aussi leur potentiel hilarant du détournement d'éléments réels : la double passion d'Elvis pour les femmes et pour les burgers, les rapports de force au sein des Beatles - Paul et John se tirent dans les pattes, George et Ringo comptent les points. Vous exagérez ces aspects jusqu'à l'absurde, vous les étirez en longueur, vous les faites interpréter par des acteurs qui partagent votre délire, et vous obtenez deux sketches d'improvisation irrésistibles.
Le reste du temps, John C. Reilly est aux commandes - parfois en duo avec l'espiègle Jenna Fischer (aussi vue dans Les rois du patin), qui réussit à tirer son épingle du jeu dans plus d'une scène. Tout comme les guest-stars citées plus haut avec leur grand écart personnalité réelle / irrévérence abracadabrante de leur exploitation, Reilly passe le film sur le fil du rasoir entre sérieux et crétinerie. Le comique visé par Walk hard, qui n'est pas le plus facile, se situe précisément dans les va-et-vient entre les deux, et dans l'incrédulité qu'ils provoquent. Les chansons ont leur lot de doubles sens (« Let's duet » et sa « menuiserie érotique ») et de délires («Royal jelly » qui singe les poèmes sibyllins de Dylan), mais toutes sont d'un excellent niveau d'orchestration et d'interprétation. Elles ne dépareraient pas dans un vrai biopic consacré à un vrai chanteur - et la chanson-titre « Walk hard » a d'ailleurs été nominée au Golden Globes, ce qui a de quoi laisser songeur. En dehors d'une estrade ou d'un studio d'enregistrement, Reilly cisèle une performance de benêt magnifique digne de son complice Will Ferrell. Il commence aux quatorze (!) ans de son personnage, casse des lavabos à mains nues à chaque mauvaise passe de sa vie, embrasse la cause des nains pour « lutter contre les injustices », fait du trampoline toute la journée sous acide... et reste en toutes circonstances fabuleux, aussi horripilant qu'honnête, aussi stupide que sympathique. Et lorsque Walk hard peine à tenir la distance dans sa dernière partie, celle de la rédemption et l'assagissement (les auteurs tombent alors sur un os, sans réelle faille comique à exploiter), c'est lui et lui seul qui supporte le film à bout de bras - et de mimiques ahuries - pour le mener à bon port.
Les images valant mieux qu'un long discours :