Un cœur invaincu, de Michael Winterbottom (USA, 2006)

Publié le par Erwan Desbois

Où ?
À l’UGC Danton, au carrefour de l’Odéon
 


Quand ?
 
Mardi soir, alors que dehors il pleuvait des cordes
 


Avec qui ?

Seul (ma fiancée n’est pas venue car on craignait tous les 2 la présence de scènes choquantes, et en fait… pssssschitttt)
 


Et alors ?
 

Il y a 2 forces contraires à l’œuvre dans Un cœur invaincu. D’un côté, la star hollywoodienne Angelina Jolie en quête d’une performance à Oscar doublé d’un rôle compatible avec ses engagements humanitaires abondamment médiatisés. De l’autre, le réalisateur anglais touche-à-tout et hyperactif Michael Winterbottom, qui a ces dernières années opéré un virage intéressant vers le docu-fiction – genre dévoyé qu’il tire vers le haut en l’amenant sur des terres aussi hostiles que le sexe (9 songs) ou la lutte américaine contre le terrorisme (The road to Guantanamo). Dans une telle configuration, la question est de savoir qui utilise l’autre à son profit. Pendant 1h30, la réponse est incertaine. Angelina Jolie a beau jouer Mariane Pearl dans un film adpaté d’un livre de Mariane Pearl (la femme du journaliste américain Daniel Pearl, kidnappé et exécuté au Pakistan au début de l’année 2002) centré sur le calvaire de Mariane Pearl, Winterbottom braque dès que possible sa caméra ailleurs que sur elle.

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À la simplification égocentrique du drame vécu par une femme (mon mari innocent a été enlevé, je suis angoissée et à cran), le réalisateur préfère en effet la complexité politique de l’affaire prise dans son ensemble. Au risque de nous perdre dans un enchevêtrement de connexions plus ou moins obscures, Winterbottom s’attarde sur le destin individuel et les états d’âme de chaque personne éclaboussée par le kidnapping : intermédiaires locaux qui aident à la fois les journalistes et les djihadistes, collègue indienne de Daniel Pearl suspectée de tous les maux en raison de sa nationalité honnie, chef de la police qui se jette à corps perdu dans la course contre la montre qui permettrait de retrouver Pearl avant qu’il ne soit trop tard. Portés par 2 excellents acteurs (Irfan Khan et Dan Futterman), les destins parallèles de ces 2 hommes lancés dans des enquêtes mettant leurs vies en danger pour un résultat incertain et désintéressé sont ce que le film a à proposer de meilleur. L’urgence de la mise en scène, le regard neutre porté sur les événements et le souci d’insérer des détails géopolitiques clairs, on peut y voir la continuité de la description âpre faite dans The road to Guantanamo d’un monde tiraillé entre 2 blocs de fondamentalistes (américains d’un côté, islamistes de l’autre) aveuglément violents, dont les premières victimes sont ceux qui refusent de prendre parti.

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Lorsque Daniel Pearl est exécuté, Un cœur invaincu se recentre sur sa femme Mariane de manière logique mais trop appuyée. Toutes les autres pièces du puzzle éclaté qui constituait le film passent à la trappe, et leurs ouvertures intéressantes avec elles, pour laisser comme seul horizon au récit le deuil et la reconstruction d’un individu pris à part. Angelina Jolie a gagné : son rôle à Oscar (qu’elle joue comme tel, donc de manière légèrement trop appuyée pour être sincère) est complet. Mais cela se fait au détriment du film dans son ensemble, laissé inachevé de manière brutale.

Publié dans ciné indie

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